Institut Béarnais et Gascon

Catégorie : Actualités et communiqués

  • QUAND LE BÉARN SE DISAIT GASCON

    QUAND LE BÉARN SE DISAIT GASCON

    Texte diffusé lors de la seconde « Amassade gascoune » (assemblée gasconne) à Labastide-Cézeracq le 15 septembre 2018.

        Aujourd’hui pour tout le monde, le Béarn est une région historique considérée comme étant bien distincte de la Gascogne. Pourtant, cela ne fut pas toujours le cas et le Béarn appartint longtemps à la Gascogne. A l’origine, le Béarn fut une vicomté fondée au cours du Xe siècle par les ducs de Gascogne pour administrer le diocèse de Lescar, soit grosso modo la partie nord du Béarn actuel. Le centre de leur domination se situait en Vic-Bilh à Escurès avant de se déplacer à la fin du XIe siècle à Morlaàs. Avec le rattachement au Béarn des vicomtés d’Oloron et de Montaner, puis de la région d’Orthez, les vicomtes prirent de plus en plus d’autonomie vis-à-vis des ducs de Gascogne et de leurs successeurs, les ducs d’Aquitaine. Ils en vinrent même à faire hommage pour le Béarn aux rois d’Aragon-comtes de Barcelone en 1154 et en 1170 avant d’avoir une dynastie vicomtale catalane (les Moncade).

    Carte de la vicomté de Béarn montrant les grandes étapes de sa construction : annexion de la vicomté d’Oloron, de celle de Montaner à l’est et de la région d’Orthez sur les vicomtes de Dax à l’ouest

        Pourtant le For d’Ossau mentionne toujours le service militaire dû par les Ossalois au vicomte de Béarn quand celui répondait à une convocation du duc d’Aquitaine – comte de Poitiers. Les limites de ce service militaire étaient les cols des Pyrénées (les ports) et la Garonne, soit les limites schématiques de la Gascogne. Dans le For de Morlaàs, le délai de convocation d’une personne accusée de meurtre ou devant payer une caution dépendait selon que cette personne était en Béarn (9 jours), entre les cols des Pyrénées et la Garonne (20 jours) ou en dehors de cet espace (40 jours). De même, une lettre de l’évêque et de la communauté de Bazas adressée au roi d’Angleterre – duc de Guienne Edouard Ier en 1290 expliquait que la monnaie de Morlaàs, frappée sans aucun changement et sans discontinuité de la fin du XIe siècle au début du XVe siècle, était la monnaie utilisée couramment en Bazadais. Cette monnaie ne pouvait être imitée, ou voir sa valeur augmentée ou diminuée sans l’accord de tous les prélats, de tous les barons et de toutes les communautés de la province ecclésiastique d’Auch, soit l’ancienne Novempopulanie qui correspondait à la Gascogne telle qu’elle était définie avant le milieu du XIIe siècle. Divers témoignages médiévaux démontrent sans ambiguïté que le Béarn était considéré comme gascon. Ainsi l’auteur poitevin du livre V du Codex Calixtinus (av. 1134) appelée de nos jours « Le Guide du Pèlerin » expliquait que la localité de Borce (vallée d’Aspe) était « sur le versant gascon » des Pyrénées.

    Le vicomte de Béarn Guillem II de Moncade à la bataille de Portopi (1229) sur l’île de Majorque, selon une peinture du Palais Aguilar de Barcelone (Musée Picasso de nos jours). Peinture conservée actuellement au Musée National de Catalogne

        Suite aux incursions vikings du IXe siècle, les évêchés de Lescar et d’Oloron avaient disparu et furent ensuite inclus aux alentours de 977 dans l’évêché de Gascogne qui regroupa alors sous une même autorité tous les évêchés disparus de Gascogne occidentale. L’un de ses titulaires, Arsiu d’Arracq (Raca en latin, un lieu-dit d’Arthez-de-Béarn), évêque de Gascogne des alentours de 988 à ceux de 1017, était d’ailleurs probablement béarnais. À cette même époque l’abbaye béarnaise de Larreule fut fondée par le duc de Gascogne Guilhem-Sans « dans le pays de Gascogne qui s’appelle Soubestre (in pago Vasconie, qui Silvestrensis dicitur) » selon la notice de sa fondation rédigée au XIe siècle. Quand les évêchés disparus furent rétablis à partir de 1059 et que l’évêché de Gascogne fut par conséquent démantelé, Ramon de Bazas dit « l’Ancien », dernier évêque de Gascogne (v. 1017-1059), devint évêque de Lescar. Mentionnons aussi le fait que le dernier duc-comte de Gascogne autochtone, Sans-Guilhem (1010-1032), mort le 4 octobre 1032, se fit enterrer en l’église Saint-Julien de Lescar où une statue en ronde-bosse le représentait assis sur un cheval. Hélas les destructions causées à cette église par les troupes protestantes du comte de Montgomery en 1569 ont fait disparaître ce monument.

        L’identité gasconne des vicomtes de Béarn et de leurs sujets fut aussi soulignée constamment par nombre de documents médiévaux. Ainsi le chroniqueur Orderic Vital (+ v. 1142) rapportait la participation du vicomte de Béarn Gaston IV dit « le Croisé » (1090-1131) à un raid mené contre des musulmans de la région de Valence en Espagne pendant l’hiver 1124-1125 : « Gaston de Béarn fortifia avec ses Gascons [le château de] Benicadell ». Guibert de Nogent (+ v. 1125), un chroniqueur écrivant sur la première croisade en Terre Sainte, hésitait sur le pays d’origine de ce même Gaston IV, l’un des participants à cette première croisade : « Je ne me souviens pas exactement si ce Gaston, un homme illustre et très riche, venait de Gascogne (Guasconia) ou du Pays Basque (Basconia) : c’était en tout cas l’un ou l’autre j’en suis certain ». Une chronique latine conservée à l’Escorial (près de Madrid) rapportant la prise Saragosse en 1118 par le roi d’Aragon Alphonse Ier et Gaston IV de Béarn indique : « Les chrétiens de Gascogne soulevés par une grande compassion pour leurs frères d’Espagne qui étaient opprimés depuis de nombreuses années par les Sarrasins qui les avaient contraints à subir une persécution permanente, franchirent en grand nombre les Pyrénées afin de libérer l’Eglise opprimée. Avec la protection divine Monseigneur Gaston [IV de Béarn], baron aussi illustre par sa sagesse que par son éloquence, avec d’autres nobles entourés de leurs vassaux, décidèrent de se diriger sur Saragosse, ville qu’ils considéraient comme la racine de tout le mal et l’endroit où la folie sans frein des Sarrasins régnait en maîtresse. Dieu fut si propice aux Gascons et aux Espagnols qui s’entendaient parfaitement que durant leur expédition contre cette cité aucun château ou forteresse ne leur résistât, si bien qu’ils arrivèrent rapidement dans les faubourgs [de Saragosse] qu’ils attaquèrent et prirent sur le champ, obligeant les Sarrasins à se réfugier derrière sa muraille, non sans avoir laissé aux mains des chrétiens toutes leurs richesses. Les Gascons prirent leurs dispositions pour fortifier leur camp plantèrent leurs tentes et se disposèrent à encercler la cité. Parmi eux, un groupe se distingua particulièrement en se lançant dans des attaques ponctuelles contre les Sarrasins et en tuant un bon nombre d’entre eux. » [La ville de Saragosse se soumit aux chrétiens], « le peuple [chrétien] manifesta un enthousiasme délirant lors de la reddition de la cité, de la mainmise sur toutes ses forteresses… ». Le souvenir de cet évènement en est resté si vif que les annales les plus anciennes de Teruel (sud de l’Aragon) rapportent que « la cité de Saragosse est prise par sire Alphonse [Ier d’Aragon] et sire Gaston [de Béarn], comte de Gascogne » (original : « presa es la ciutat de Caragoça de don Alfonso et de don Gaston, comte de Gascuenna »).

        Le troubadour périgourdin Bertran de Born évoquait le vicomte de Béarn Gaston VI de Moncade (1173-1214) en ces termes : « le puissant vicomte qui est chef des Gascons et de qui dépendent le Béarn et le Gabardan ». Pierre de Vaux-de-Cernay, chroniqueur de la croisade albigeoise désignait ce dernier comme « Gaston de Béarn, un certain noble de Gascogne », puis il mentionnait sa visite auprès du comte de Toulouse Raimon VI à Penne d’Agenais en 1212 : « là [à Penne d’Agenais], vint à lui [Raimon VI] un certain noble, le seigneur le plus important de la Gascogne : Gaston de Béarn ».

    Avers d’un dernier morlan frappé sans discontinuité et sans modifications à Morlaàs de la fin du XIe siècle au début du XVe siècle

        Dans sa propre chronique, le roi d’Aragon Jaume / Jaime I (1213-1276) rapportait les dires du vicomte de Béarn Guilhem II de Moncade (1224-1229) datant de 1227 qui affirmaient : « je possède la richesse du Béarn en Gascogne » (« que he la riquesa de Bearn en Gascunya »). A la fin du XIIIe siècle, le troubadour gascon bazadais Amaniu de Sescas mentionnait ainsi Guilhelma de Béarn, fille du vicomte de Béarn Gaston VII de Moncade (1229-1290) : « Sur l’autre Guilhelma, la plus noble, je vous dirai : la fille de seigneur Gaston, avec ses belles manières, a atteint la plus haute qualité de notre pays, la Gascogne, et la contrée en est fort illuminée car sa personne attractive y fut née et éduquée ». Guilhem Anelier, le chroniqueur toulousain de la guerre civile navarraise, rapportait qu’en 1276 Eustache de Beaumarchais, le gouverneur du royaume de Navarre nommé par le roi de France « passa par la Gascogne, par la terre du seigneur Gaston [VII de Béarn], et vint à Sauveterre [de Béarn], où l’honorèrent les Gascons ». Plus loin dans ce texte, le vicomte Gaston VII de Béarn est appelé « seigneur des Gascons ».

        D’ailleurs on trouve dans le cartulaire municipal d’Orthez (le « Martinet »), alors capitale du Béarn, un texte de 1308 dont un passage précise : « la ville d’Orthez de la terre de Béarn en Gascogne ». Le chroniqueur catalan Ramon Muntaner mentionnait dans sa chronique écrite entre 1325 et 1328 « un lieu qui a nom Oloron, qui est en Gascogne ». Dans l’introduction du Tractatus utilis super totum officium misse écrit en 1339 par frère Bernat de Parentis (Parentinis) de l’ordre des Dominicains, il est précisé qu’il était du « couvent d’Orthez de Gascogne » (conventus Orthesii de Vasconia). Même après la déclaration de souveraineté du Béarn par Gaston Fébus (le 25 septembre 1347) le grand chroniqueur Jean Froissart (v 1337- v 1404) appelait encore les Béarnais dans ses Chroniques « les Béarnais gascons ». Suite à son voyage en Béarn auprès de Gaston Fébus en 1388, Froissart évoquait le « Béarn, en la Haute-Gascogne ». En 1365, la chancellerie du roi de Navarre Charles II expliquait que l’un de ses messagers s’était déplacé « de Navarre à Bordeaux, et en Béarn et en d’autres régions de Gascogne plusieurs fois ».

    Olifant de Gaston le croisé, vicomte de Béarn de 1190 à 1130 (cathédrale de Saragosse, Aragon, Espagne). Tous les olifants de ce type ont été fabriqués dans des pays alors musulmans (Espagne musulmane ou Sicile essentiellement)

        Une lettre de la communauté d’Agen (1363) au roi d’Angleterre Édouard III énumérant les qualités de leur ville ainsi que sa bonne situation géographique afin d’accueillir la cour d’appel d’Aquitaine, place le Béarn en Gascogne : « les terres de Gascogne, c’est-à-dire le Béarn, le Marsan, l’Armagnac, le Fézensac ». En 1382 et en 1393, le mercenaire Bertran d’Orthez, au service des rois de Naples, était dit originaire « d’Orthez en Gascogne » (« Bertherandus de Orthes in Gasconia »). Enfin, Arnaut Esquerrier, archiviste officiel du comte de Foix-vicomte de Béarn Gaston IV et auteur d’une chronique écrite entre 1445 et 1461, rapportait ainsi la bataille de Mesplède (25 août 1442) qui avait opposée, après la prise de Dax par l’armée du roi de France, une troupe française qui était entrée en Béarn à des Béarnais qui s’y étaient opposés : « Lorsque Dax capitula, Blanchefort [le capitaine de la troupe française] et ses gens entrèrent en Béarn ; les Béarnais s’opposèrent à eux et à Mesplède eut lieu la bataille où périrent les Béarnais […]. C’est là que s’accomplit la prophétie de la grande bataille qui devait se faire en Gascogne ». Il est aisé de comprendre qu’Esquerrier place donc encore le Béarn en Gascogne. Pour le pèlerin allemand Arnold von Harff (1499), la Gascogne s’étendait de Sauveterre-de-Béarn à la rive gauche de la Garonne à Toulouse. L’itinéraire de Bruges (en Flandre) datant du XVe siècle faisait également débuter la Gascogne à Sauveterre-de-Béarn.

                     Armoiries des comtes de Foix et vicomtes de Béarn dans la seconde moitié du XIVe siècle.                  Musée de Navarre, Pampelune

        Le Béarn ne commença en fait à être différencié du reste de la Gascogne qu’à partir du XVIe siècle En effet, le statut souverain du Béarn, inventé en 1347 par le vicomte Gaston Fébus (1343-1391) avait mis du temps pour s’installer dans les esprits et l’annexion des autres régions gasconnes au domaine royal français souligna la situation particulière du Béarn. Ce ne fut pas d’un processus de différenciation culturelle que vint la distinction Gascogne / Béarn qui s’opéra alors, mais d’un processus politique. D’ailleurs au niveau linguistique et culturel, la distinction entre le béarnais et le gascon ne fut jamais claire puisqu’il existe en fait plusieurs types de béarnais qui ne sont pas distincts de leurs voisins gascons. Un arrêt du Parlement de Paris datant de 1562 évoque ainsi le « langaige byernois et gascon » et plus loin le « langaige gascon et byernois ». L’historien Nicolas Bordenave (+ 1572) mentionne dans son Histoire de Béarn et de Navarre « la langue gasconne et béarnoise ». La souveraineté de fait du Béarn consacra malgré tout l’expression « langue béarnaise » (lengoa bernesa) employée par Arnaut de Salette en 1571 dans sa traduction en gascon béarnais des Psaumes de David et permit le développement d’un nationalisme béarnais renforcé à la suite de la proclamation du protestantisme en tant que religion officielle (1571). Le rétablissement de la religion catholique couplé avec son union forcée à la France (1620) transforma le Béarn en une province du royaume de France. Cette intégration à la France transmua peu à peu le nationalisme béarnais en un simple particularisme provincial.

    Guilhem Pépin, Docteur en Histoire de l’Université d’Oxford

     

  • Gascons et Basques au Moyen-Âge

    GASCONS ET BASQUES AU MOYEN ÂGE

        Conséquence tardive de la défaite des Wisigoths (507), la Novempopulanie fut rattachée vers 530 au royaume des Francs . À la fin du VIe siècle survient un événement d’une portée considérable pour l’histoire de cet espace : l’arrivée des Vascons. Ces derniers sont des bascophones originaires de la Navarre et de l’Ouest de l’Aragon qui portent cette dénomination depuis l’Antiquité. Les Vascons sont pour la première fois mentionnés au Nord des Pyrénées en 587 par le chroniqueur franc Grégoire de Tours (+ 594) : « Les Vascons, dévalant de leurs montagnes, descendent dans la plaine, dévastant vignes et champs, incendiant les maisons, emmenant en captivité plusieurs personnes avec leurs troupeaux. A plusieurs reprises le duc [franc] Austrovald marcha contre eux, mais il ne tira d’eux qu’une vengeance insuffisante ». Les Vascons font régulièrement des expéditions punitives en Novempopulanie après 587 si bien qu’en 602 les rois francs Théodebert II et Thierry II mènent une armée contre eux et arrivent à leur imposer un duc nommé Génialis basé à Bordeaux. Des élites aquitano-romaines de Novempopulanie tels que les évêques d’Eauze, Palladius et son fils Sidoc, pactisèrent avec les Vascons et furent exilés en 626 suite aux accusations porté par Aighyna, le duc saxon de Bordeaux. Peu à peu les Vascons dominèrent militairement et politiquement la vaste région comprise entre les Pyrénées et la Garonne. Vers 630, la Novempopulanie change de nom pour devenir la Wasconia (Changement mentionné dans la Chronique franque dite de « Frédégaire »). La réalité de la domination vasconne en Novempopulanie nous est inconnue, mais le fait que les habitants de la Novempopulanie aient adopté si rapidement le nom de Wascones démontre sans doute qu’ils étaient proches culturellement, si ce n’est encore linguistiquement des Vascons, ce qui devait sûrement être le cas des habitants les plus méridionaux de l’ancienne Novempopulanie. Il faut se rappeler que les traces de la langue aquitaine (noms de divinité ou de personnes) que l’on trouve essentiellement sur des stèles trouvées en Comminges et en particulier à Saint-Bertrand-de-Comminges, ne peuvent être expliquées que par le basque moderne, ou bien elles ont un aspect « bascoïde ».

        Un problème terminologique se pose au sujet de la signification de ce nouveau nom. Comment doit-on traduire les mots latins Wascones (ou Vascones) et Wasconia (ou Vasconia) ? Par Basques et Pays Basque ou par Gascons et Gascogne ? Il est en fait totalement impossible au haut Moyen-Age (VIIe-Xe siècle) de distinguer dans les sources des Basques et des Gascons. Il vaut mieux donc choisir comme beaucoup d’historiens l’ont fait les termes de Vascons et de Vasconie, véritables décalques du latin. La distinction entre Basques (le plus souvent écrit Basculi en latin) et Gascons (Vascones) n’est clairement faite dans les textes qu’à partir du XIe siècle. Des recherches récentes tendent à prouver que le gascon – du latin comportant des traces de basque – existait déjà au VIe siècle ap. J-C. Le témoignage de l’évêque Claude de Turin confirme bien qu’il existait des Vascones de langue latine au début du IXe siècle, soit ce que l’on peut appeler des Gascons. Au XIe siècle la limite linguistique entre le gascon et le basque suivait dans les grandes lignes celles des XIXe-XXe siècles même si quelques zones « frontalières » qui étaient gasconophones lors des deux derniers siècles (ex : Guiche et les alentours de la future bastide d’Hastingues, ou Biarritz-Anglet) devaient être alors bascophones. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est absolument impossible de connaître et donc de décrire les modalités du passage du basque au gascon et la progression spatiale de ce dernier face au basque entre le VIe et le XIe siècle. Mais il y a lieu de penser qu’il exista un bilinguisme gascon/basque dans plusieurs régions et que des poches de basque ont survécu tardivement. Cela fut décrit dans un travail pour le Pallars (Catalogne) et la Chanson de Sainte-Foy écrite en Rouergue (Aveyron) au XIe siècle affirmait encore que les habitants du Val d’Aran étaient Basques (Bascons). Il ne faut pas oublier que le mot basque « aran » (basque standard actuel « haran ») veut dire tout simplement « vallée ».

    Carte 1: la Vasconia (en violet) pendant l’empire romain et jusqu’au début du VIIe siècle ap. J.-C..

        Il faut maintenant préciser ce que l’on entendait par Basques aux XIe et XIIe siècles. Les Vascones originaux provenaient essentiellement de la future Navarre et de l’ouest du futur Aragon, mais l’expansion en Novempopulanie (fin VIe – VIIe siècle) avait également étendu ce vocable aux habitants de cette dernière province. Un phénomène quelque peu parallèle à la perte du nom « aquitain » par les Aquitains originaux s’était ensuite passé dans la Vasconia originelle (Navarre et ouest de l’Aragon) : aux XIe et XIIe siècle les Vascons originaux avaient cessé d’employer le terme de « vascon » pour se désigner en tant que peuple. Désormais pour eux, les Vascons étaient le peuple qui habitait le duché de Vasconia outre-Pyrénées, soit le duché de Gascogne (IXe-XIe siècle). C’est ce qu’affirme l’historien basque Juan José Larrea dans sa monumentale thèse sur la Navarre du IVe au XIIe siècle : « Au Moyen Âge, et bien au-delà, aussi bascophones qu’ils soient pour la plupart, les Navarrais ne se considèrent cependant pas comme des Vascons-Basques. Basconeus ne se réfère qu’à la langue. Pour les Navarrais, les Basques, en tant que peuple, sont les gens d’outre-Pyrénées » (dans J. J. Larrea, La Navarre du IVe au XIIe siècle, Paris-Bruxelles, 1998, p 131).

        C’est au sein de l’ensemble politique du duché de Wasconia que la différence de langue distingua les Gascons des Basques à partir du nom commun latin Wascones (ou Vascones) si bien que l’on différenciait au XIe siècle une Gasconia et une Basconia qui étaient toutes deux réunies au sein du duché-comté de Wasconia ou Vasconia. L’auteur poitevin du cinquième livre du Codex Calixtinus, improprement appelé de nos jours guide du pèlerin, plaçait le village de Saint-Michel sité tout près de Saint-Jean-Pied-de-Port) sur le « versant gascon » des Pyrénées bien qu’il faisait partie linguistiquement de la Basconia ou du tellus Basclorum. Cet auteur distinguait d’ailleurs, tout en reconnaissant qu’ils parlaient la même langue, les Basques situés au nord des Pyrénées, des Navarrais situés au sud.

        Donc, aux XIe – XIIe siècles, les Basques en tant que peuple portant ce seul nom, étaient seulement constitués des populations bascophones appartenant à l’entité politique nommée duché de Vasconia, soit celles peuplant le Labourd, la future Basse-Navarre et la Soule. Juan-José Larrea l’explique ainsi : « Par ailleurs, si les habitants – ou les dirigeants – de la vieille Novempopulanie ont assez tôt au Moyen Âge et durablement assumé le titre de Vascons, c’est que, contrairement au sud des Pyrénées, une formation politique, le duché de Wasconia, a introduit le vieil ethnonyme dans le champ des réalités politiques et administratives : la différence est capitale ». (même étude, p 133).

        Mais au niveau linguistique, tout le monde reconnaissait que ces Basques partageaient la langue basque avec la grande majorité des Navarrais qui habitaient au sud des Pyrénées. La distinction, commune dans les sources de l’époque, entre Basques et Navarrais provenait d’un phénomène politico-institutionnel et non d’un phénomène linguistico-culturel. Les Navarrais avaient perdu, semble-t-il, leurs noms originels de « Vascons » parce que leur entité politique fut désignée par eux comme « royaume de Pampelune » puis « royaume de Navarre » au milieu du XIIe siècle et jamais comme « royaume de Vasconie » ou « royaume des Vascons ». Le Guipuscoa, l’Alava et la Biscaye, bien qu’aussi peuplés de bascophones, connaissaient alors le même phénomène : ses habitants se désignaient avant tout comme Guipuscoans, Alavais et Biscayens. Il semble toutefois que les bascophones de ces régions étaient toujours désignés à l’occasion comme des Bascones, comme en 1085 ceux de la région située à l’ouest de Pampelune, mais cette dénomination ne concernait plus que les seuls locuteurs de basque (« Euskaldun » ou « Euskalduna » en basque moderne, selon la région) et non l’ensemble de la population. Ainsi Andere Auria Acenariz de la localité d’Olza (située à proximité de Pampelune) donna en 1085 à l’abbaye de Leyre (centre-est de la Navarre) une vigne « dans le lieu que les « Bascones » appellent Ygurai Mendico » (in loco quem Bascones vocant ygurai Mendico), (Voir Documentación medieval de Leire. Siglos IX a XII, éd. A. J. Martin Duque, Pampelune, 1983, document n°117).

        Le Labourd et la Soule resteront attachés institutionnellement à la Gascogne jusqu’en 1789. Ce ne fut pas le cas de la région autour de Saint-Jean-Pied-de-Port et de Saint-Palais qui fut annexée au royaume de Navarre à l’extrême fin du XIIe siècle (à partir de 1189-1194) et au début du XIIIe siècle. En effet, Sancho VI de Navarre effectua cette annexion à la suite de l’absence de son gendre Richard Cœur de Lion en croisade en Terre-Sainte, grâce au mandat qui lui avait été donné de défendre la Gascogne contre les ennemis de Ricchard (Voir Herreros Lopetegui (S), Las tierras navarras de Ultrapuertos (siglos XII-XVI), Pampelune, 1996). Pourtant le roi de Navarre Charles II précisait encore en 1363 qu’il était allé en février 1362 « en Gascogne » quand il s’était rendu uniquement à Saint-Jean-Pied-de-Port. Le chroniqueur Pedro López de Ayala, originaire d’Alava, plaçait également cette dernière ville en Gascogne dans sa chronique sur Henri II de Castille (« una villa que es en comarca de Gascueña, que dicen Sant Juan del Pie del Puerto »).

        Cette aire fut désignée régulièrement par les Navarrais en tant que tierra d’Ayllend Puertos (« terre d’au-delà les ports »), ce qui fut appelé surtout à partir du XVe siècle la tierra d’Ultra-Puertos (la terre d’Outre-Ports). Aux XVe et XVIe siècles les Navarrais qualifièrent cette même région du nom populaire de tierra de Bascos (ou de Vascos), en abrégé Bascos (attesté à partir de 1429), soit la « terre des Basques », expression également appliquée régulièrement par les Gascons dès la seconde moitié du XIVe siècle pour ce même espace groupé avec le Labourd et la Soule (terra de Bascos). Mais l’expression existait déjà en fait au XIIe siècle, puisque que l’on trouve le terme de tellus Basclorum soit « la terre des Basques » dans le Codex Calixtinus (Le Guide du Pèlerin) écrit avant 1134. Le nom de Basse-Navarre ne se substitua à celui de « terre d’Outre-Ports » qu’assez longtemps (première mention en 1577) après la conquête de la Navarre localisée au sud des Pyrénées par les troupes castillanes et aragonaises (1512), mais cette aire fut dénommée d’abord royaume de Navarra deça ports puisque vue dorénavant du Béarn et non de la Haute-Navarre.

    CARTE 2: carte de la Gascogne au Moyen-Age

        Pour terminer sur ce point, il faut remarquer que les Gascons se sont définis comme tels non pas uniquement à cause de leur langue (le gascon) mais aussi et surtout à cause de leur appartenance politique pluriséculaire au duché-comté de Vasconia. Cela nous montre que les faits politico-institutionnels primaient le plus souvent sur les faits linguistico-culturels pour engendrer l’identité d’un peuple médiéval. On comprend aussi que les Gascons et les Basques du Nord ont été longtemps unis politiquement, ont formé un seul peuple (gens en latin) nommé Vascones, avant de former deux peuples (les Gascons et les Bascons) distinct linguistiquement, mais associés au sein d’un même ensemble.

    Guilhem Pépin, docteur en histoire de l’Université d’Oxford.

    p.s. : cet article est disponible sur la page Facebook du Groupe Esprit Gascon

    contact: esprit.gascon@gmail.com

  • AMASSADE DE GAYOÛ-1

    Article La République lundi 13mai 201

  • Parla beroy à noùste-2

    Emission IBG Parla Beroy à Noùste n°2 sur Radio Pais

    Le village de Moncaut par l’escabot de Lembeye 20 minutes

    Cliquer sur le lien rouge:

    Parla Beroy À Noùstẹ#2

    Site de rediffusion Soundcloud (podcast)

    https://www.radiopais.fr/

  • Adiu Yan de Sègues, adiu amic…

    Qu’abém pergut lou Noùste Amic Yan de Sègues…eth tabé qu’a plegat la came…ûe bouts de las beroyes dou pèys de Biarn.
    Las aunoùs que seran hèytes lou dimars 30 de abriu à Arros de Nay à 14h30.

    Per Aulouroû y Biarn

  • Pourquoi chercher ailleurs?

    LA LETTRE 58  IBG AVRIL 2019

    LETTRE 58 AVRIL 2019

    Lecture publique et gratuite avec le lien suivant:

    https://fr.calameo.com/books/003325773a427cb7abd59

  • LOU PRINCETOÛ en biarnés!

    Lou Princetoû (traduit en béarnais)

    Article presse
    L’équipe de publication
    Justin Laban, le traducteur…

    Prix public: 10 EUROS – Commande ou renseignements:
    INSTITUT BEARNAIS ET GASCON siège MJC du Laü – 81 avenue du Loup – 64000 PAU – Tél. : 06 22 11 67 43 – mél:
    ibg.secretariat@orange.fr

    Une coédition Biarn Toustém (Oloron)-Institut Béarnais et Gascon (Pau)

    Sortie nationale dans le cadre du Salon du Livre de Navarrenx (les 26 et 27 janvier 2019) avec l’aimable autorisation des Editions Gallimard.

     

    -IBG (sortie janvier 2019)

     

  • PARLA BEROY A NOUSTE

    La nabère emissioû apitade per l’IBG en partenariat dap Ràdio Pais

    Ûe prouseyade dap A. Arette e Laurent Camguilhem de Pomps en Biarn (52′)

    Enta escouta Parla beroy à noùstẹ-1 dap lou ligam:

    https://soundcloud.com/radio-pais/sets/parla-beroy-no-st

    Redaccion / Antena : radiopais@gmail.com

    La vòsta ràdio en gascon

    https://www.radiopais.fr/